L'hévéa (Hevea brasiliensis) est aujourd'hui quasiment la seule source de caoutchouc naturel, produit irremplaçable pour l'industrie du pneumatique ou la fabrication des préservatifs et gants en latex. Le genre Hevea comprend 10 espèces d'arbres originaires du bassin amazonien, mais H. brasiliensis est la seule espèce cultivée. Sa domestication et sa culture sont très récentes et ont débuté il y a 125 ans, en Asie du Sud-Est (Malaisie, Indonésie, Thaïlande Inde, Sri Lanka, Vietnam …), c'est à dire hors de sa zone d'origine naturelle. Les variétés cultivées sont des clones de greffes. La population de clones à haut rendement en latex, issue de la sélection en Asie, est appelée population Wickham. Les ressources génétiques (RG) disponibles pour l'amélioration ont été enrichies, à partir des années 70, par des prospections internationales en Amazonie brésilienne principalement. Deux centres internationaux de conservation des RG hévéa ont été créés, l'un en Malaisie (Rubber Research Institute of Malaysia), le second en Côte d'Ivoire (CNRA).
Une collaboration Cirad-CNRA a porté sur la caractérisation de la diversité génétique de la collection de Côte d’Ivoire tant au niveau agronomique que moléculaire. Les premières analyses de diversité génétique de Hevea brasiliensis, avait été réaliséeau laboratoire Biotrop à l’aide de marqueurs isozymes et RFLP. Ces travaux ont révélé une structuration de la diversité génétique de l’espèce H. brasiliensis, non détectée au niveau morpho-agronomique, en relation avec l’origine géographique des populations. Plus précisément, 6 groupes génétiques ont pu être définis, chaque groupe rassemblant des populations originaires d’un même bassin fluvial amazonien.
Une étude méthodologique sur un sous-échantillon réduit (183 clones) de la collection de Côte d’Ivoire a été réalisée afin d’optimiser la constitution d’une " core collection ". Les résultats préliminaires suggèrent qu’un échantillonnage optimisé, garantissant une bonne représentation de la diversité de la collection totale, peut être obtenu en prenant en compte la structuration en groupes génétiques et la diversité allélique intra-groupe. La question se pose maintenant de la faisabilité du génotypage de grandes collections.
Une analyse de la diversité de 300 clones d’hévéa a été réalisée à l’aide de 17 marqueurs microsatellites répartis sur 10 des 18 groupes de liaison de la carte génétique de l’hévéa (2x=2n=36). Les microsatellites révèlent le même patron de structuration que l’analyse combinée des isozymes et RFLP. Le polymorphisme des microsatellites apparaît extrêmement élevé avec en moyenne 17 allèles par locus microsatellites, contre 3,5 pour les isozymes. Les microsatellites constituent bien un outil potentiel pour le génotypage de grandes collections de clones.
Un verger à graine d’hévéa planté en Côte d’Ivoire en 1992 a été utilisé pour évaluer le taux d’autofécondation, le nombre et la distance des pères contribuant à la descendance d’un arbre mère et ainsi évaluer la pollinisation libre comme méthode de brassage . Les résultats des tests de paternité, en utilisant une analyse statistique par maximum de vraisemblance (logiciel Cervus) donne les résultats suivants : a) les microsatellites s’avèrent très puissants pour l’identification du vrai père parmi les 50 possibles ; au risque de 5% le père a pu être identifié pour 99% des descendants, b) le taux d’autofécondation est faible mais non nul contrairement à ce qui était attendu chez une espèce supposée strictement allogame : il varie de 0 à 16% selon l’arbre mère ; c) la contribution paternelle des arbres du verger est très déséquilibrée : 5% des géniteurs ont été identifiés comme pères pour 67% des descendants.
La cartographie du génome a débuté au début des années 1990. Hevea brasiliensis, comme les 9 autres espèces du genre Hevea, était considéré comme un tétraploïde avec 2n=4x=36 chromosomes. Les travaux de cartographie génétique par RFLP réalisés sur cette espèce ont révélé une organisation diploïde du génome, avec une faible proportion de locus dupliqués.
Une carte génétique a été construite sur une F2 de 75 individus issus de l’autofécondation du clone PB260, par analyse de 181 marqueurs (161 RFLP, 15 microsatellites et 5 isozymes).
Les 2 autres populations de cartographie étudiées sont issues du même croisement entre 2 géniteurs hétérozygotes PB260 x FX3899, la stratégie " double pseudo-testcross " conduisant à analyser les recombinaisons génétiques indépendamment chez chaque parent dans un premier temps, puis à fusionner (carte synthétique) les 2 cartes parentales s’il y a colinéarité. FX3899 (alias RO38), est un hybride interspécifique H. benthamiana x H. brasiliensis, sélectionné pour sa résistance génétique au Microcyclus. Au total 777 locus ont été cartographiés par analyse de ségrégation sur 109 descendants, avec une moitié de marqueurs locus-spécifiques : 336 RFLP, 43 microsatellites et 10 isozymes. Les 2 cartes parentales sont parfaitement colinéaires. Cinq régions chromosomiques dupliquées ont été détectées impliquant seulement 18 locus ( sur les 389 locus spécifiques). La taille génétique du génome de l’hévéa est relativement grande couvrant 2150 cM pour la carte synthétique, avec une faible différence de 17% entre les 2 parents.
L'effort principal de localisation de facteurs génétiques d'intérêt agronomique a porté sur la résistance au Microcyclus (Lespinasse et al, 2000b), champignon endémique qui limite la culture sur le continent américain (cf figure ci-contre). Pour environ la moitié des marqueurs, la carte a été construite sur une descendance élargie de 195 individus du même croisement PB260 x FX3899 (Lespinasse et al, 2000a). C’est cette descendance qui a servi à l’analyse QTL de la résistance. L’évaluation de la résistance des 195 descendants a été réalisée, à la station de phytopathologie du Cirad-Guyane, en condition d’inoculation contrôlée à l’aide de 5 souches isolées du champignon. Huit QTL localisés sur 7 groupes de liaison ont été identifiés, dont un QTL majeur localisé sur le groupe g13, identifié pour toutes les souches inoculées, tandis que les 6 autres QTL présentaient des niveaux variables de spécificité vis à vis des 5 souches.
Le stress oxydatif (production non compensée de formes toxiques d’oxygène), généré par l’exploitation intensive a des répercussions importantes sur la production. Il affecte aussi bien l’écoulement du latex que la régénération du contenu cellulaire entre deux saignées. Un certain nombre de facteurs biochimiques ou moléculaires impliqués dans la protection contre le stress oxydatif ont été identifiés. Nous avons entrepris d’analyser l’évolution de ces facteurs (activité enzymatique, expression des gènes, niveaux d’antioxydants) en fonction de l’intensité d’exploitation (i.e. nombre de stimulations éthyléniques annuelles) pour plusieurs génotypes plus ou moins sensibles au stress d’exploitation, afin de désigner les facteurs significativement corrélés au potentiel de production des arbres.
Ces travaux sont accompagnés du clonage de promoteurs de gènes spécifiques des tissus laticifères et/ou inductibles par les stress. Deux types de promoteurs ont été clonés à partir de 2 familles de gènes d’hévéa codant pour l’hévéine et la glutamine synthétase (GS) et qui présentent potentiellement plusieurs spécificités intéressantes (Pujade-Renaud et al., 2001). L’hévéine est une protéine présente exclusivement et massivement dans les cellules laticifères. Les gènes d’hévéine sont induits par la blessure et par le traitement éthylénique. Les différents gènes de glutamine synthétase isolés chez l’hévéa sont induits ou sur-exprimés de manière précoce dans les cellules laticifères par un traitement éthylénique. Les promoteurs isolés ont été clonés en fusion avec un gène rapporteur (gus) dans un vecteur de transformation. La fonctionnalité des promoteurs a été démontrée en expression transitoire dans du cal d’hévéa transformé par biolistique. Une méthode de transformation génétique permettant l’établissement de lignées de cal transgénique est maintenant disponible (Rattana et al., 2001) mais la régénération n’est pas encore complètement maîtrisée. Nous avons donc entrepris d’étudier nos promoteurs, en parallèle, en plantes modèles (riz et Arabidopsis).
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